« Il faut voter pour Fillon à la primaire de la droite », argumentait récemment un ami.

« Ah oui ? Pourquoi ? »

« En votant pour Fillon, tu écartes Sarkozy. Fillon, c’est le seul candidat qui incarne la droite modérée et qui peut faire le poids contre l’extrême droite. »

Ainsi, devrais-je voter pour un candidat avec qui je n’ai pas de lien pour empêcher un autre de faire barrage à un troisième ?

Ces stratégies sont intégrées dans les calculs des hommes politiques. Les manigances souterraines, les reports de voix, les consignes de vote, les réseaux d’influence, les arrangements personnels.

Chaque période électorale est marquée de petites phrases assassines, de ralliements imprévisibles, de trahisons shakespeariennes. Si elles semblent intégrées au paysage, elles marquent aussi les limites de notre démocratie.

 « Et si ni l’un ni l’autre ne me convient ? »

 « Alors, votez pour le moins pire ! Vous n’allez tout de même pas voter blanc, ça serait faire le jeu du FN ! »

  « Pourtant, il me semblait que le vote blanc était un vote d’expression. Voter blanc signifie qu’on est concerné par l’élection, mais qu’aucun candidat ne porte nos valeurs. »

Je ressens devant l’isoloir le même sentiment que lorsqu’au restaurant on m’avait demandé si je préférais du poulet braisé ou une côte de bœuf. « Je suis végétarien, je ne mange pas d’animaux ». « Oui, j’ai compris, m’avait répété le serveur. Vous préférez que je vous fasse un poisson ? »

Les jeux politiques auxquels nous assistons, la violence des propos, la petitesse des arguments marquent les limites de notre démocratie. Et pourquoi pas de notre 5e République ? Cette république basée sur les oppositions. La droite s’oppose à la gauche, les extrêmes s’opposent entre eux. Il faut choisir son camp. Tout, dans les débats politiques, invite à la division, à l’opposition, au conflit, à la spéculation si loin de l’intelligence collective qui nous inspire déjà dans tant de domaines et pourrait inspirer les politiques.

Je ne me considère pas plus à gauche qu’à droite. Ces séparations font partie pour moi d’un autre siècle. Je me considère juste comme un être humain en quête de paix intérieure et extérieure, et j’ai compris que la paix s’établit d’abord dans le cœur de chacun. Lorsque nous sommes en paix et que nous apaisons les paradoxes qui vivent en nous, alors la peur de l’autre disparaît, qu’il soit de droite ou de gauche, du centre ou des extrêmes, de « chez nous » ou d’ailleurs.

Les partis d’extrême droite s’appuient sur la peur de l’autre pour élaborer leurs programmes. Ils ont compris qu’en termes de communication, lorsqu’il s’agit d’appeler au rassemblement, il existe deux moteurs : la peur et l’amour. Plus la peur de l’autre s’affirme, plus disparaît l’amour et la foi en l’humanité. L’inverse est aussi vrai.

Alors, apolitique ?

Je me sens concerné par la vie politique. Je me sens concerné par les sujets qui nous touchent. Concerné par l’alimentation, je me demande comment nous pouvons sortir d’une malbouffe bourrée d’OGM, de monocultures intensives et chimiques, et encourager la permaculture, le bio, les circuits courts. Je me renseigne régulièrement sur le sujet, je rencontre les acteurs sur le terrain et fais mes choix en conscience en adoptant l’attitude la plus cohérente possible.

Je me sens concerné par l’écologie ; je ne comprends pas, alors que nous constatons la destruction de près de la moitié du peuple animal marin sur les dernières décennies, qu’aucun parti ne s’engage davantage dans l’écologie autrement que par des discours vaporeux. L’écologie n’est pas une option. Je continue à voir que chaque année, inspirée par les lobbys, des lois votées en catimini, des mesures de plus en plus industrielles comme l’interdiction d’utiliser les semences d’une année sur l’autre, la réglementation des potagers privés, de l’utilisation de l’eau de pluie, les limitations constantes de la biodiversité visent à nous écarter de notre responsabilité envers notre mère la terre naturellement nourricière. Pour les chamans, nous sommes les enfants de la terre. La terre est vivante. Il nous appartient de prendre soin d’elle avec la même sensibilité que nous pouvons développer pour un membre de notre famille.

Je me sens concerné par l’éducation scolaire, je me sens impliqué depuis des années par des méthodes d’éducation alternatives, par des voies pédagogiques innovantes qui transforment totalement notre rapport à l’école, à l’enseignement. J’en vois quotidiennement les bienfaits dans les écoles alternatives et auprès d’enseignants curieux et intrépides qui encouragent la valorisation et l’apprentissage par le désir et non la contrainte, la cocréation et non la compétition permanente, et qui obtiennent dans leurs classes de magnifiques résultats. Je ne vois dans les programmes politiques que des promesses fades et sans saveur et si peu d’allusions à ces belles initiatives de terrain.

Je suis très impliqué par notre système de santé, je ne cesse de faire le lien entre la guérison du corps et de l’esprit. Je pratique et encourage des méthodes alternatives de guérison qui amènent chacun à se libérer des dépendances, à se soigner autrement, à reprendre son pouvoir dans le processus de santé, à investir davantage sur le maintien en bonne santé plutôt que sur la guérison des maladies. Pourtant, les médecines alternatives sont encore bridées en France par les gouvernements qui se succèdent et dont les ministères ne cessent de céder sous la pression des lobbys.

Dans un pays qui consomme 80 millions de boîtes d’anxiolytiques par an, dont 12 % des actifs sont concernés par le burn-out, j’explore la méditation, la pleine conscience dans les entreprises comme un remède alternatif au stress. Je vois combien il est possible de reprendre sa santé en mains dès lors qu’on se réapproprie la souveraineté de son esprit. Car la clé est là ! Attend-on encore des gouvernements, des chefs et du pouvoir en général qu’ils nous apportent les réponses intimes aux questions qui concernent notre bien-être, notre évolution et le sens de notre vie ? Croyons-nous encore aux beaux discours ? Sommes-nous prêts à laisser faire ? Ou sommes-nous prêts à reprendre notre pouvoir en mains ? Ce pouvoir qui n’aurait jamais dû nous échapper.

Je me sens concerné par le chômage, par l’impact qu’il a sur le moral des êtres, des plus jeunes comme des cinquantenaires. Il n’est pourtant pas une fatalité. Je rencontre et accompagne toute l’année de jeunes créateurs d’entreprises, des autoentrepreneurs innovants et courageux qui ont compris que tout notre système économique entreprise/chômage était en mutation et qu’il était urgent de réinventer des alternatives au système actuel, des entrepreneurs dans tous les domaines qui mettent en place d’autres formes d’entrepreneuriat, de partenariat, de coopération, de collaborations alternatives éthiques et équitables, qui réinventent de nouvelles monnaies locales (5000 dans le monde), réinventent le télétravail et réenchantent leur rapport à leur métier.

Concerné par l’implication du peuple dans les prises de décision, je prends conscience des limites de notre démocratie où le peuple élit des technocrates, une oligarchie coupée du terrain. Je m’intéresse et rencontre les pionniers de l’holacratie, de la sophocratie, de la cocréation, de l’intelligence collective, d’autres formes qui permettent de considérer la collectivité. Ces initiatives fonctionnent merveilleusement bien, notamment dans les entreprises et dans plusieurs nouveaux mouvements citoyens. Et même si elles ont besoin d’ajustements, elles nous montrent des signes de réussite, car elles ont en commun de faire ensemble, d’œuvrer pour et non de gagner contre, de s’appuyer sur l’ouverture du cœur et non sur la peur de l’autre.

Oui, le monde est en mutation, et non, ce n’est pas une crise. Nous vivons un grand bouleversement qui demande à chacun d’entre nous reprendre sa santé, son job, ses projets en mains, de s’ouvrir à d’autres modes de cocréation, d’être curieux, innovant, surprenant, de communiquer, d’échanger, de s’ouvrir…

« Laissez-nous faire, lançait Alexandre Jardin et son mouvement des Maisons citoyennes, on a déjà commencé ». « Faisons notre part, comme le colibri », encourageait Pierre Rabhi. D’autres mouvements citoyens partout en France et ailleurs se mobilisent, échangent, réinventent le monde ensemble.

Pour ma part, je ne suis adhérent d’aucun mouvement, d’aucun parti, en revanche, je participe et encourage de multitudes d’initiatives qui quittent l’amour du pouvoir pour oser le pouvoir de l’amour*. Je réalise combien, lorsque nous avons la sensation de perdre notre pouvoir, c’est en nous qu’il faut chercher des ressources et certainement pas dans un sauveur, fût-il un bon orateur dans ses discours électoraux !

Ici et là, les initiatives spontanées et citoyennes se multiplient. Elles ont en commun de n’aller « contre » rien. Elles sont « pour ». Pour un monde plus équilibré, plus juste et plus humain. Elles ont la noblesse de rester utopiques. L’Utopie dans son étymologie nous rappelle que ce qui n’existe pas n’est pas en dehors de notre portée, l’utopie est un idéal qui ne gagne qu’à être découvert !

« On ne détruit pas un système en s’opposant à lui », disait Einstein, mais en créant un autre système plus harmonieux qui fonctionne et rend le précédent obsolète.

Dans cette période de choix, je vous souhaite de choisir de vous faire confiance et de trouver en vous et autour de vous les ressources pour transformer ce monde que nous avons de la joie à cocréer !

Alors, sans aucun doute, votre choix sera le bon !

*de l’amour du pouvoir au pouvoir de l’amour, je dois cette citation à la grande rencontre du même nom qui aura lieu prochainement à Nantes.